PORTRAITS de Transitionneurs


Sophie NUNZIATI

GHASS

Yann THOMAS


Alain MARTY

Dans une vie professionnelle dédiée à l’énergie dans un grand groupe spécialisé, il ne pouvait que rencontrer à un moment donné le sujet de la précarité énergétique de façon concrète, sur le terrain… Et tenter d’y apporter des solutions humanistes dans le cadre de son métier de Directeur du développement durable, mais aussi au-delà en co-construction avec tous les autres acteurs, pour ne « laisser personne au bord de la route »…

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

De formation ingénieur, je suis entré chez Enedis (ex-ERDF) en 2006. Après avoir exercé des fonctions de Directeur du réseau, puis des processus opérationnels, j’ai saisi une opportunité interne en 2017, au début des réflexions sur la loi Pacte, pour devenir Directeur du développement durable.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Dans notre stratégie de développement durable, qui a intégré les ODD de l’ONU, il est évident que nous sommes attentifs à ne pas laisser les plus fragiles sur le bord de la route. Un engagement qui résonne avec notre mission de service public. Nos agents, gestionnaires du réseau, sont particulièrement sensibles à la précarité énergétique, car ce sont eux qui, physiquement, doivent interrompre le contrat de distribution d’électricité en cas de non-paiement des factures à l’opérateur. C’est à chaque fois un drame humain. Nous avons donc travaillé, en bonne intelligence avec les opérateurs pour allonger le process de coupure, afin que nos agents puissent expliquer aux familles en précarité, les différentes aide auxquelles elles ont droit, les orienter sur les services et associations adéquates, comme les PIMM’s. Une solution qui permet déjà de résoudre la moitié des cas ! Par ailleurs avec Linky, nous avons désormais une autre alternative : limiter la puissance plutôt que couper complètement. Par ailleurs, dans le cadre d’un partenariat avec l’ONPE (Office national de la précarité énergétique), nous avons développé un logiciel basé sur des outils statistiques, pour aider les collectivités locales à repérer les îlots de précarité énergétique, à détecter les « invisibles », afin de les aider en amont. Enfin nous parrainons 200 jeunes en service civique grâce à Unis-Cité qui sensibilisent les familles à la maîtrise de l’énergie et aux  éco-gestes.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Pour étendre les bonnes pratiques existantes, il est nécessaire que tout le monde se coordonne pour travailler ensemble : fournisseurs, d’énergie, distributeurs, départements, bureaux d’aide sociale, associations… Il serait ainsi utile de créer des structures de coordination sur chaque territoire.


Bernard SAINCY

Un transitionneur de la première heure… Une carrière commencée dans l’énergie, dédiée à la responsabilité sociale et sociétale et à tout ce qui concerne l’économie sociale et solidaire. Avec de tels engagements, il ne pouvait que s’engager dans la lutte contre la précarité énergétique et y apporter toute son expérience et sa créativité pour faire des propositions nouvelles et innovantes.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai créé fin 2013, Innovation Sociale Conseil dont la mission est l’accompagnement stratégique des organismes d’intérêt général, associations, sociétés de l’ESS… Auparavant, j’étais Directeur de la Responsabilité sociétale de GDF/Suez, devenue Engie. A ce titre, j’ai adressé les problèmes de précarité énergétique, de rénovation thermique, d’accès à l’énergie, en partenariat avec le milieu associatif.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Je suis administrateur d’Unis-Cité qui développe un programme de sensibilisation aux économies d’énergie dans les quartiers prioritaires de la Ville. Par ailleurs, je suis co-président du Comité stratégique de « Stop à l’exclusion énergétique », créé par Gilles Berhault. J’y anime un groupe de travail sur le métier « d’ensemblier solidaire », un tiers de confiance pour accompagner de bout en bout (suivi des travaux, contrôle qualité, suivi d’utilisation) le projet de rénovation thermique des personnes en précarité énergétique. Ces ensembliers solidaires seraient, bien sûr en contact étroit avec les bénévoles des associations pour repérer les gens prioritaires, en très grande précarité énergétique. Le projet est de faire financer la formation à ce métier par les CEE (Certificats d’économie d’énergie). Nous travaillons également au modèle économique : ces ensembliers solidaires seraient salariés d’entreprises de l’ESS.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

La doxa actuelle veut que l’on ne finance pas 100 % des travaux (pas de gratuité), mais qu’il y ait un « reste à charge » d’environ 10 % pour les familles. Pour les gens en grande précarité, qui bénéficient d’une rénovation globale de leur maison, il n’est pas possible de leur demander de financer 6 ou 7000 euros ! Il faut donc trouver des aides spécifiques afin que ce reste à charge ne dépasse pas 2500 euros


Christophe FEVRIER

A 50 ans il se définit comme un serial entrepreneur autodidacte. Il a créé un groupe 100 % made in France qui pèse près de 250 M d’euros. Une de ses sociétés, Géo PLC (et sa marque grand public Hellio) est un pionnier, devenu leader, de la rénovation énergétique « à 0 euros », grâce au système des Certificats d’économie d’énergie (CEE). Il utilise aussi ce système des CEE pour financer, sur une grand échelle, les personnes en situation de précarité énergétique tout en les accompagnant de bout en bout…

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Autodidacte, j’ai commencé à 24 ans dans le conseil en réorganisation, restructuration, redressement d’entreprises en difficulté et achats de fonds de commerce. Cette expérience m’a permis de créer les Manufactures Février, une groupe qui pèse aujourd’hui 243 M d’euros, emploie 500 personnes et dont la mission est de designer, concevoir, financer et aménager des espaces de vie personnalisés, autour de produits et services 100 % made in France, esthétiques et durables.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

En 2008, nous avons créé GEO PLC, pionnière et désormais leader sur le marché des Sociétés de Services en Efficacité Energétique (35 000 maisons individuelles isolées, 19 M d’euros investis dans la rénovation thermique, 200 salariés). Son métier est d’accompagner les industriels, collectivités, entreprises et particuliers vers le passage à l’acte en matière de rénovation énergétique, en utilisantles Certificats d’Économies d’Énergie (CEE), délivrés par les énergéticiens, qui permettent à nos équipes de financer tout ou partie des actions d’économies d’énergie de nos clients. La mise en place de « CEE précarité énergétique » a permis à notre marque grand public, Hellio, créée en 2019, d’adresser ces publics en situation de précarité, en les accompagnant de A à Z dans leur projet grâce à nos 15 000 partenaires maîtres d’œuvre et maître d’ouvrage, tout en leur permettant de financer jusqu’à 100 % des travaux de rénovation. Notre métier consiste aussi, en amont, à aller chercher ces publics, qui souvent « se cachent », sont très méfiants, grâce à des actions massives de communication (internet, TV, presse…), afin de les informer des possibilités que nous leur offrons.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

C’est l’Etat qui fixe les volumes, les objectifs des CEE. Mais l’administration est souvent en retard et ne nous donne pas suffisamment de visibilité. Nous en avons besoin pour déployer nos services aux familles les plus précaires, les aider à sortir de l’économie carbonée qui pèse trop lourdement sur leurs budgets. Par ailleurs, je plaide pour l’inclusion dans les CEE, de la finance, de la banque/assurance, qui pourrait ramener 4 Mds d’euros supplémentaires pour la lutte contre la précarité énergétique.


Florence PRESSON

Elle se définit elle-même comme une femme de transition(s). Consultante spécialisée en économie circulaire et en stratégie numérique, elle a aussi des engagements politiques locaux qui l’ont mise en contact direct avec la précarité énergétique dans laquelle vivent de nombreuses familles françaises. Son expertise lui permet de mener des expérimentations visant à une plus grande performance des rénovations énergétiques des « passoires thermiques » dans lesquelles vivent ces familles.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis adjointe au maire de Sceaux en charge des  transitions énergétique et numérique ainsi que de l’économie circulaire. Je suis également chargée de mission à la ville de Montfermeil, en charge de la transition énergétique et de la précarité énergétique.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Une étude (TREMI) réalisée par le Ministère de la transition écologique et solidaire et l’ADEME a mis en évidence qu’il n’y a que 5 % des rénovations réalisées entre 2014 et 2016 qui ont permis de gagner au moins 2 étiquettes énergétiques ! Et ce taux de réussite n’est atteint que  lorsque le ménage est accompagné et qu’il réalise un bouquet de travaux (au minimum 3 types de travaux). L’étude  réalisée par Négawatt et Ile de France Energies, commanditée par la ville de Montfermeil,  a également démontré qu’il est préférable de réaliser une rénovation globale d’un pavillon plutôt qu’une succession de travaux qui ne permettent pas d’atteindre l’étiquette environnementale et énergétique attendue. Un pilote d’un « Parcours de rénovation énergétique performant » (PREP), soutenu par l’état, est donc actuellement déployé à Montfermeil et à Sceaux.Concrètement, les propriétaires de pavillons qui le souhaitent, quels que soient leurs revenus, vont pouvoir bénéficier d’un SARE (service d’accompagnement à la rénovation énergétique). Ce parcours de rénovation comprend un bilan énergétique, un accompagnement lors de la demande de prêt auprès de La Nef, notre banque partenaire, des aides financières selon les caractéristiques du ménage et l’accès à un panel d’artisans formés spécifiquement.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Nous souhaitons étendre à grande échelle ces expériences. La massification des PREP est  indispensable afin de permettre un déploiement national qui s’inscrive dans l’objectif de rénovation de 500 000 logements par an. Dans ce cadre, nous avons  déjà signé une convention avec l’Association des maires de France (AMF). Le PREP est également  devenu un projet structurant du Conseil de la Filière Stratégique des Industries Pour la Construction (CSF-IPC). Enfin, nous espérons qu’il soit inscrit dans le prochain plan de relance de l’économie.


Franck BILLEAU

C’est son parcours dans une des plus grandes ONG de lutte contre la précarité qui l’a sensibilisé au thème de la précarité énergétique lorsqu’il a constaté qu’une partie importante des aides distribuées servait à payer les factures d’énergie ! Il a donc décidé d’en faire sa nouvelle mission. Il développe une approche globale et innovante  du problème, combinant des bénévoles de terrain, des salariés spécialistes de l’ingénierie financière pour aller chercher les subventions, aides, etc. et des artisans locaux.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Quand j’étais permanent du Secours Catholique dans la région Hauts de France, j’ai constaté que 25 % du budget de l’association servait à payer les factures d’énergie des gens que nous aidions ! C’est en faisant construire ma propre maison en 2014 que j’ai pris conscience qu’il existait désormais des techniques permettant de réduire drastiquement la facture d’énergie : je ne paye que 80 euros/an pour me chauffer…

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

J’ai créé le réseau Eco-Habitat, une association loi 1901 en Picardie, pour aider les familles défavorisées à réaliser les travaux de rénovation nécessaires, afin de leur  permettre de  sortir de la précarité énergétique. Notre approche est basée sur une ingénierie combinant des bénévoles qui deviennent le référent de confiance de ces familles, nos salariés qui montent tous les dossiers de subventions et des artisans locaux pour les travaux, ainsi que des  grandes marques comme Leroy-Merlin qui fournit les matériaux à prix coûtant… L’objectif est qu’il ne reste que 10 % des travaux, voire moins, à financer par le propriétaire de la maison, soit en général entre 4 à 5000 euros. Et nous arrivons ainsi à diviser par 3 leur facture d’énergie qui est souvent supérieure à 2500 euros !

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Nous avons déjà  signé avec l’ANAH (Agence Nationale de l’Habitat) un accord pour nous permettre de développer notre ingénierie d’abord dans la région Hauts de France, puis progressivement dans les autres régions car il y aurait en France  6,7 M de maisons considérées comme des passoires énergétiques ! Et nous militons pour que les subventions soient plus importantes pour les familles les plus défavorisées, afin qu’elles aient encore moins de « reste à payer »


Frédéric DEMAREZ

Après une première partie de carrière dans le domaine du recyclage, cet entrepreneur s’investit aujourd’hui dans la transition énergétique. Dans le cadre de son activité de délégataire d’obligation d’économies d’énergie, il consacre une partie de ses efforts depuis 2016 à la lutte contre la précarité énergétique. Il le fait dans une approche humaniste mais aussi  dans un souci d’efficacité entrepreneuriale afin de pouvoir faire bénéficier le plus grand nombre de familles touchées par cette forme de précarité.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Je suis ingénieur Agro Paris Tech. J’ai débuté ma carrière dans la gestion du recyclage chez Citeo (ex Eco-emballages). Puis j’ai créé Pellenc ST qui a développé l’automatisation du tri avec des machines optiques. Après un MBA « Change & innovation », j’ai rejoint comme Dg, une société d’ingénierie et de valorisation de la performance énergétique,  Oaan Consulting, créée en 2014. Depuis janvier 2015 Oaan Consulting est délégataire d’obligation d’économies d’énergie, une activité qui représente aujourd’hui 50 % de son activité.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Depuis 2005, les certificats d’économies d’énergie (CEE) sont un dispositif au bénéfice des ménages, des professionnels et des collectivités territoriales pour la transition énergétique (loi POPE) : ils permettent de financer en partie ou la totalité des travaux d’efficacité énergétique réalisés. Dans ce contexte, Oaan Consulting a développé pour ses clients des solutions de financement, de gestion et de maîtrise de travaux. Nous les aidons à optimiserles aspects économiques, techniques et réglementaires. Depuis 2016, afin d’aider les ménages en situation de grande précarité énergétique l’Etat a mis en place le dispositif des CEE dits « CEE précaire », afin qu’ils puissent bénéficier de CEE plus élevés pour leurs travaux de rénovation. Dans ce cadre, nous jouons auprès de ces ménages, un rôle de tiers de confiance, de facilitateur financier, de mise en contact avec un réseau d’acteurs grâce à notre plateforme digitale… Chaque mois nous traitons ainsi plusieurs milliers de dossiers dans toute la France, avec les 50 experts de notre réseau.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Nous souhaiterions une sorte de « choc de simplification » dans le « maquis » des subventions :  plus de lisibilité pour sécuriser les ménages précaires qui ne doivent pas se poser de questions sur le financement. Nous souhaiterions également que le « reste à charge » (environ 10 % des travaux) soit diminué pour ces ménages, que les aides et subventions permettent qu’ils n’aient pas à sortir d’argent du tout grâce à un système d’auto-amortissement, par exemple.


Gilles VERMOT-DESROCHES

Il fait partie des pionniers de la RSE. Il a été un des premiers Directeurs du développement durable d’un grand groupe et a contribué à inventer ce métier. Il est également investi dans de nombreuses organisations pour faire avancer la cause du développement durable dans les entreprises. Avec cet engagement et une carrière entière dans un groupe international dédié aux économies d’énergie, il ne pouvait qu’adresser la précarité énergétique au niveau mondial, à travers des solutionsproduits mais aussi des actions de mécénat.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai rejoint Schneider Electric en 1998. J’en suis le Directeur du Développement Durable depuis 2000. Je suis également Délégué général de la Fondation Schneider Electric, sous l’égide de la Fondation de France. En plus de ces responsabilités au sein de Schneider Electric, je suis Vice-président du Conseil d'administration du forum français des amis du Pacte Mondial, je suis également l’animateur du nouveau French Business Climate Pledge, 101 entreprises françaises, représentant plus de 1 650 milliards d'euros de CA qui s’engagent pour le climat, lancé à l’issue de l'Université d'été du Medef 2019 et membre du bureau de l’ORSE (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises)…

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Dans le cadre de nos engagements de développement durable et de notre programme de croissance inclusive, nous adressons deux types de parties prenantes : 

  • Les 2 Mds de personnes qui n’ont pas accès à l’énergie, essentiellement dans les pays d’Asie et d’Afrique, car nous pensons que l’accès à l’énergie est un droit humain fondamental. À ce jour, plus de 20 millions de personnes ont accès à l'énergie grâce à nos initiatives.
  • Les 100 millions d’habitants des pays occidentaux en précarité énergétique.

Dans ce dernier domaine, notre offre de pilotage digitale de la consommation énergétique d’un foyer permet, à coût très faible d’environ de 10 euros/m2 et sans rénovation, une diminution d’environ 30 % de la consommation.

Nous avons également avec notre Fondation mis en place des actions internationales de sensibilisation et de formation des jeunes (programme Innovation sociale pour lutter contre la précarité  énergétique). Nous sensibilisons aussi les publics en situation de précarité aux éco-gestes avec des partenaires comme Ashoka ou Unis-Cités. Enfin notre Fonds d’investissement solidaire, Schneider Energy Access, abondé aussi par nos salariés (100 M d’euros additionnels en 2020) permet de financer des structures de l’ESS, comme Le Chênelet ou  La Varappe qui agissent dans le domaine de la précarité.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Pour accélérer la rénovation thermique des logements, passer en phase industrielle, il faut mieux accompagner les gens, créer un environnement collectif favorable. Cette lutte pour augmenter le confort des précaires, diminuer la facture énergétique et créer des emplois de proximité doit être favorisée dans les plans de relance économique post-Covid.


Régis LAGILLIER

C’est un retraité… très actif et plein d’énergie ! Après une carrière dans un groupe lié aux économies d’énergie où il a pu, en particulier, travailler sur la ville durable, il a fait de la lutte contre la précarité énergétique son nouvel engagement à travers une approche académique d’amélioration des connaissances, d’émergence de nouvelles solutions et d’expérimentation.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

J’ai fait une très grande partie de ma carrière professionnelle au sein de Schneider Electric. J’ai été pendant les dernières années, spécialisé sur le concept de Smart City au sein de la Direction de la Stratégie.De cette expérience, j’ai acquis la conviction qu’il ne peut pas y avoir de ville intelligente, durable, astucieuse et vivable sans prendre en compte l’aspect humain et social et en laissant sur le bord de la route une partie de la population, que la technologie est certes importante, mais que l’ingénieur doit s’accaparer les problématiques sociétales et la gestion des usages.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Après avoir pris ma retraite, je me suis rapproché de la Fondation Grenoble INP et du pôle de compétitivité Tenerrdis, que je connaissais par mes missions chez Schneider Electric. Dans cet écosystème de collectivités territoriales, d’institutions académiques, de PME et de start-up liées aux thématiques urbaines, j’ai souhaité répondre aux enjeux sociétaux derrière le fléau de la précarité. 

Nous avons créé la chaire HOPE que j’anime bénévolement, afin de mobiliser les acteurs politiques et économiques autour de cette cause. Nous y développons un travail collaboratif pour :

  • explorer de nouveaux domaines de connaissance liés à la précarité énergétique en mobilisant le monde de la recherche 
  • faire émerger des solutions inclusives à fort potentiel démultiplicateur en mobilisant de nouveaux acteurs économiques 
  • accompagner l’expérimentation de nouvelles approches sur le terrain en mobilisant les citoyens et les acteurs locaux pour test, co-construction et évaluation de solutions appropriées.

Nous travaillons particulièrement sur le thème santé/précarité énergétique (par exemple benchmark des initiatives européennes) mais aussi sur mobilité/précarité énergétique car toutes ces vulnérabilités s’additionnent chez les « précaires » : sanitaire, logement, profession, mobilité…

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Pour nous la précarité énergétique n’est pas seulement un problème de « passoires énergétiques ». C’est un dossier transverse qui doit adresser plusieurs ministères au niveau de l’Etat (transition, et santé en premier), plusieurs services dans les collectivités. Il faut sortir du travail en silos : c’est un problème de gouvernance et de bonne compréhension du sujet.

 

https://fondation-grenoble-inp.fr/nos-actions/contribuer-developpement-recherche/chaire-hope/


Thomas KERTING

Son combat c’est l’air. Il veut traduire l’air en or, développer une économie durable de l’air.Il a créé AIRPUBLICA qui rassemble des réseaux de médecins, patients, professionnels et sensibilisateurs référents dans le domaine de la qualité de l’air. L’idée est simple, faire de l’air la clé de mobilisation pour la santé, la transition écologique et la transformation de notre économie.Dans le domaine de la précarité énergétique, son approche est de lier rénovation thermique et qualité de l’air, santé et économies d’énergie

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Ma mission d’éduquer, d’éveiller à l’air me vient au départ de mon père qui avait une société qui travaillait sur l’assainissement de l’air dans les hôpitaux. Ma conviction est que l’air potable sera la bataille environnementale du XXIème siècle,  mais aussi que la qualité de l’air est au cœur de nouveaux enjeux économiques mondiaux. J’ai créé sur ce thème Les Respirations, une société de conseil et  AIRPUBLICA une ONG pour mobiliser sur l’air comme clé de mobilisation pour la santé, la transition écologique et la transformation de notre économie.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

La qualité de l’air intérieur (hygrométrie, choix des matériaux, ventilation…) est souvent le grand oublié de la rénovation thermique. On l’a bien vu durant le confinement : la qualité de l’air dans sa maison, son appartement est un enjeu de santé majeur. Il faut donc remettre l’humain au cœur du système, faire du m3 d’air respiré la nouvelle clé dans le bâti. La qualité de l’air, qui est souvent plus pollué dans les habitats des familles en situation de précarité est une question de justice sociale et sanitaire. Un rapport officiel évalue à 20 Mds d’euros le coût annuel pour la collectivité d’une qualité de l’air inadéquate.

Pour combiner lutte contre la précarité énergétique et sanitaire nous avons finalisé une nouvelle formation pour les artisans avec la FIMEA (Fédération interprofessionnelle des métiers de l’environnement atmosphérique) et les Compagnons du Devoir, de « ventiliste » pour la conception, le dimensionnement, l’installation et l’entretien de systèmes de ventilation et de régulation d’air.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Plusieurs pistes sont envisageables : 

  • Trouver de nouvelles ressources en permettant que la compensation carbone qui s’opère essentiellement aujourd’hui par la plantation d’arbres, puisse également être basée sur la lutte contre la précarité énergétique 
  • Mettre en place la proposition de Philippe Pelletier, Président du plan Bâtiment durable, dans le cadre de la règlementation environnementale 2020, de création d’un label d'État, intégrant la prise en compte du bien-être des occupants et donc de la qualité de l’air intérieur.
  • Repondérer la qualité de l’air dans les référentiels nationaux et internationaux (HQE, BREEAM…)

www.lesrespirations.org

@tomkerting

@lesrespirations


Véronique FAYET

Après une vie d’élue locale en charge du logement, de la rénovation énergétique, elle est aujourd’hui au cœur de la précarité énergétique comme Présidente du Secours Catholique, dont une grande partie des aides concerne ce sujet. Au-delà de son combat quotidien pour aider les familles précaires à faire face à leurs impayés, elle initie des expérimentations pour faciliter et améliorer les rénovations énergétiques et milite pour des solutions de long terme.

Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Après avoir été dans ma jeunesse, militante au sein d’ATD Quart Monde, j’ai été pendant 25 ans élue à la ville de Bordeaux dont 12 ans comme Vice-Présidente de la Communauté urbaine, en charge du logement. J’étais en particulier Présidente de la commission des aides de l’ANAH (Agence nationale de l’habitat) pour la rénovation énergétique des habitations. Depuis juin 2014, je suis devenue Présidente du Secours Catholique-Caritas France.

Quelle est votre action au service de la lutte contre la précarité énergétique ?

Le Secours Catholique aide, chaque année, 1,4 M de personnes en difficulté, avec des impayés de toute sorte, dont 300 000 sont en précarité énergétique. C’est notre 2èmeposte d’aide, après l’alimentaire. Il a doublé en 10 ans ! Nous accompagnons également ces familles en précarité énergétique en les aidant sur l’analyse de leurs factures, l’étalement de leur dette, en évitant les coupures d’énergie. Mais tout cette aide, non-récurrente, ne résout que les problèmes urgents, à court terme. Nous avons donc  lancé, dans le cadre de notre programme « Habiter mieux »,  le réseau Eco-Habitat, initié par Franck Billeau, un de nos anciens salariés, pour aider les familles défavorisées à réaliser les travaux de rénovation nécessaires : une approche globale combinant des bénévoles qui deviennent le référent de confiance de ces familles, des salariés pour les dossiers de subventions et des artisans locaux.

Que souhaiteriez-vous mettre en place pour développer cette lutte contre la précarité énergétique ?

Nous militons pour une obligation faite aux propriétaires afin qu’il ne soit plus permis de louer des passoires  « thermiques ». Nous souhaiterions également un plan national ambitieux de rénovation énergétique de 500 000 logements par an. Nous préconisons aussi la mise en place d’un guichet unique pour les aides, afin de simplifier les procédures et pour une diminution du « reste à charge », en particulier pour les familles les plus précaires. Enfin, je pense qu’une étude serait nécessaire pour évaluer les bénéfices sociaux globaux d’une rénovation énergétique pour une famille en situation de précarité énergétique, au-delà des bénéfices environnementaux et financiers.