20 clés pour 2020, à la recherche du « game play » des territoires des jeunes qui n’ont pas connu le siècle d’avant. Et pourtant ils votent !
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« La carte est plus intéressante que le territoire ». Michel Houellebeck (qui fait même de la photographie de la carte une œuvre…)
« Il faudra pour cela plus raisonner en capacités qu’en compétences. Apprendre à équilibrer l’être et le faire, être capable de s’adapter tout en anticipant les évolutions. C’est d’un individu dans toutes ses diversités et sa complexité, capable en pleine connaissance de lui-même et en conscience de choisir et d’agir, avec force et énergie, que nous avons besoin. » Michel Serres, Petite Poucette (2012).
En introduction
Histoire vraie
Adolescent 15 ans : « Papa je me suis fait un nouveau copain. On a échangé en jouant à des jeux vidéos. On aime les mêmes jeux. » « Il s’appelle comment ? Il fait quoi ? » Après les réponses vient une nouvelle question. « Et il vit où ? ». « Mais Papa pourquoi tu me poses la question ? Cela ne m’intéresse pas ! ».
En effet, quand on partage un territoire, même s’il est numérique, il n’est pas nécessaire d’en appeler un autre. Et pourquoi vouloir séparer un territoire virtuel d’un territoire physique puisqu’il n’y en a qu’un seul pour lui. Ou plutôt un archipel de territoires juxtaposés, dans une continuité du physique et du virtuel.
La « génération gaming et Instagram » est née avec le siècle. Nous sommes face à une pratique de masse des jeux vidéo, passionnée transformatrice rapide des comportements. Elle est source d’inquiétude pour certaines générations, comme le punk ou le cinéma l’étaient dans un siècle précédant… Ne cristallisons pas entre des gentils et des méchants, nous sommes face à une transition très profonde qui intègre toutes les dimensions de nos vies, toutes nos cultures. Comprenons que la pratique du jeu vidéo est riche d’enseignement, peut apporter une vision plus systémique favorable à une compréhension « développement durable » du monde. Mais ne sous-estimons pas non plus les risques, sanitaires et énergétiques. Et si la pratique des jeux dits de bac à sable, de stratégie, RPG (jeux de rôle) confère des capacités intellectuelles, cognitives et collectives intéressantes, elle est aussi sujette à de nouvelles exclusions.
La métamorphose la plus profonde est dans la transformation de la relation à l’autre et à son environnement et donc au territoire. Et c’est pour cela que ce texte est publié à quelques semaines des élections municipales. Il cherche à interpeller ceux qui sont candidats. Cette génération qui va voter pour la première fois est différente. Ce n’est ni mieux ni moins bien.
Si les futurs élus ne comprennent pas cette transformation de la relation au territoire, ils auront les plus grandes difficultés à les faire voter et surtout à les impliquer par la suite.
Cet article propose des clés de compréhension, d’organisation, voire de cohabitation avec de nouveaux citoyens et citoyennes, qui ont une façon de se comporter différente y compris de ceux qui n’ont que 5 ou 6 ans de plus. Si la partie émergente est le jeu vidéo et Instagram, il faut regarder plus globalement la façon de s’informer et de communiquer, la génération gaming a ses propres médias y compris sur un plan politique, ce sont Instagram, Youtube et les chats de Discord ou de Jeuxvideos.com. C’est un monde plus divers, tout aussi manipulable, où s’expriment les idéologies paranoïaques, complotistes, racistes… mais est-ce plus que dans les médias de la fin du 20esiècle ? Et surtout faut-il se fermer ou au contraire, parler, discuter, écouter, essayer de comprendre, créer de vraies interrelations générationnelles.
Plus jamais on ne pourra considérer les territoires de la même façon. Le 20esiècle a vu chacun étendre sa mobilité grâce au développement des technologies de transport, ouvrant aussi son univers culturel. Le 21esiècle est celui de la multiplication des territoires et des capacités à les transformer en temps réel dans un continuum.Les clés des territoires ont changé, chacun peut se les approprier, en changer, les transformer… dans une juxtaposition permanente de ceux-ci. Le monde vit un nouvel individualisme, ce qui ne veut pas dire égoïsme mais plutôt individuation assumée… et à découvrir.
1. Une nouvelle narration inter-générationnelle ?
Les nouvelles générations ont une relation à leur espace très différente, souvent liée à un mode de perception nouveau, à une évolution de la structure familiale, à une plus grande ouverture aux autres. Et pourtant l’attachement au quartier, à sa ville ou village reste très fort. La tribu est là, ou plutôt l’on devrait plutôt parler des tribus renvoyant chacune à un ou plusieurs territoires physiques et numériques. Des univers virtuels se sont développés, bousculant les habitudes et révélant beaucoup de fantasmes de pouvoir, au premier plan celui de la prise de contrôle de l’humain par la machine, voire d’absolus univers de manipulation dont Matrix est l’archétype enivrant et passionnant. En effet, une vision numérique peut être la négation consciente du présent devenu difficile à vivre. Plus souvent le numérique apporte simplement un enrichissement de l’accès, du partage, à la recherche d’un ludique sans limite. Ce qu’exprime bien particulièrement le film de Spielberg, « Ready player one », extrapolation jouissive d’un monde parallèle devenu le territoire de rencontre de toute l’humanité et dénommé l’Oasis. Il apporte aussi le questionnement des capacités. Dans cet univers qui s’affranchit des possibilités physiques, où l’on peut choisir son aspect, évidemment fonction des moyens financiers issus de la vie réelle, mais aussi avec des gains et une monnaie propre au lieu. Le film de Spielberg, est un hommage aux jeux vidéo et aux gamers… avec la nostalgie des pionniers : Pong, Space Invaders, Tetris… mais aussi des premiers ordinateurs de gamers, Atari, Commodore… qui ont tout autant vieilli que les premières consoles.
Le virtuel s’est développé à très grande vitesse avec l’accessibilité à des outils numériques et parce que les grands médias, principalement la télévision ont perdu de l’influence… Ils l’ont même totalement perdu chez ceux qui sont nés dans ce 21esiècle. Certains n’ont plus aucun souvenir d’avoir vu une émission sur une chaîne à une heure programmée à l’exception des grandes messes sportives. La question de l’influence, notamment dans le contexte d’élections, y compris locales se caractérise aussi par le fait qu’il n’y a plus de médias communs (TV, radio ou journal) pour servir de référence à des discussions politique au sein de la cellule familiale ou de la cour du lycée. Quand il y a discussion chacun apporte ses propres sources, mélangeant allègrement travail de journalistes, supports de communication et bien sûr « fake news ». Le temps de l’évolution a été très court. Certains d’entre nous sont nés dans foyers sans téléphone ou TV… alors que les plus jeunes aujourd’hui n’ont vu des minitels ou un Blackberry qu’en photographie.
Cette profonde transformation des comportements des jeunes correspond à la fois à un renforcement de l’autonomie qu’il ne faut pas confondre avec l’égocentrisme, et à une prise de conscience globalisée. Ils se sentent membre de générations mondialisées. Une des manifestations de ce nouvel universalisme se vit dans le partage de modes de vie, de type d’alimentation, de vêtement, de musiques ou de séries (dont les animés du secteur Manga)… mais qui ne correspond pas toujours à une perte de culture, mais bien à son enrichissement. Cela est facilité par le développement d’Instagram, de Youtube et bien sûr du gaming. La mutation profonde apportée par les civilisations numériques, largement aussi importantes que celles apportée par l’invention de l’écriture ou de l’imprimerie se caractérise par sa rapidité. Ainsi quand on parle des jeunes aujourd’hui on s’adresse à des personnes très différentes selon qu’ils ont 10, 15, 20 ou 25 ans, et aussi selon leur niveau d’inclusion dans les civilisations numériques. C’est une vraie bascule qui s’est produite.
Et si la lecture de livres imprimés sur du papier a baissé considérablement, n’oublions pas que certains ne lisent plus que sur des écrans et pourtant ce sont des livres, et aussi que de nouveaux espaces d’écriture et de lecture sont nés comme WattPad.
Wattpad : C’est est une plateforme Web et mobile dédiée à la lecture et à l'écriture qui rassemble une communauté de 45 millions de personnes, dont 1 million en France. Parmi ces utilisateurs, 2,3 millions sont des auteurs. C’est un site social d'accès libre créé par Allen Lau et Ivan Yuen, où les usagers inscrits peuvent écrire et partager gratuitement des récits appelés « fan fictions ». La plupart des contributions adoptent la forme du roman-feuilleton, avec de courts chapitres d’environ deux mille mots. Les lecteurs sont invités à poster leurs commentaires, tant sur un auteur, un livre ou un paragraphe. Ce site permet également d'envoyer des messages entre les utilisateurs, développant ainsi la communication entre les écrivains et leur public, mais aussi le « bouche à oreille » sur les histoires publiées.
Wattpad propose une zone d’écriture simple et épurée afin de permettre aux auteurs de se concentrer uniquement sur leur histoire et leurs personnages, avec la possibilité d'ajouter des médias (photographies ou vidéos) à leurs chapitres. Au-delà d’un réseau social, WattPad est un espace de création, d’où émerge de nombreux talents. Des éditeurs traditionnels le regardent de très près. Wattpad est le leader n’est pas le seul, webnovel et royalbrood ont aussi beaucoup de succès.
Chaque génération a son lot de nouveaux héros. Ceux de la génération gaming sont pour beaucoup issus des univers d’Heroic fantasy et de la science-fiction. Certains sont trans-générationnels, notamment les super héros de Marvel et autres Comics, présents partout dans le monde : Spiderman, Ironman… tous les membres de la famille Avengers, et aussi les X-Mens et leurs super pouvoirs. Tous veulent sauver l’humanité, y compris quand le grand méchant Thanos décide de supprimer la moitié de tout ce qui vit dans l’univers pour remédier à la crise écologique. Ce qu’il fait dans l’avant dernier film, avant que les Avengers réussissent à les faire ressusciter dans EndGame (promis je ne « spoile[1] » pas plus pour ceux qui n’auraient pas encore vu ces films majeurs de la génération gaming).
Une des particularités de ce siècle est aussi la place des séries (merci de ne plus utiliser le mot feuilleton… si vous êtes nostalgiques des Saintes Chéries, de Rintintin voir de Starky et Hutch retournez au 20esiècle). C’est avec les animés le grand succès de Netflix. C’est en partie grâce aux séries que la génération gaming s’est familiarisée avec la langue anglaise, y compris en France.
La grande particularité de la pratique est l’approche multitâche. On considérait autrefois que c’était une spécialité féminine. Une série peut tout à fait se regarder tout en jouant et en échangeant (voix et/ou « chat ») avec ses amis. Ce comportement bien sûr s’accompagne d’un vrai problème de l’attention, mais il faut relativiser. Était-ce réellement mieux avant. Dans quel état écologique et social est la planète ?
[1]Ce terme anglais est directement issu de l'ancien français espoillier (qui donnera « spolier » en français moderne), verbe provenant du latin spoliare signifiant « ruiner », « piller ». Ce veut dire par exemple raconter le dernier épisode de Games of Thrones ou de Casa de Papel à quelqu’un qui ne l’a pas encore vu.
Parmi les héros, une place toute particulière doit être faite à Harry Potter. C’est d’abord un succès littéraire sans équivalent. JK Rolling a non seulement donné le gout de lire à de nombreux enfants, aujourd’hui adolescents mais elle a apporté un univers de référence qui accompagne tout le développement du 21esiècle avec les différentes étapes. L’histoire mêle toutes les références dans une approche très contemporaine des comportements des jeunes. Les 7 livres et les 8 films ont eu une influence considérable renforçant structurellement une vision du monde avec des héros, qui agissent en équipe, avec un apprentissage fondé sur le collectif et des rites initiatiques, une nouvelle quête d’un nouveau Graal. Une autre dimension majeure de l’évolution du héros de la Génération gaming, est par ailleurs – enfin – la féminisation. Bien sûr avec la personnalité d’Hermione Granger mais aussi la place de leader assumé de jeunes femmes dans Hunger Games, Labyrinth, Divergente… « Je suis contente d’être jeune à cette époque car c’est celui où les femmes prennent leur place ».[2]Greta Thunberg est aussi une héroïne du monde réel, fort de tout un imaginaire y compris sur ses différences. Bien on peut largement discuter de la pertinence de ce qu’elle dit, son influence sur les réseaux sociaux est considérable. Le « story telling » (mise systématique en narration) prend toute sa place, inspirant toute une génération bien au-delà des écologistes.
2. Du territoire au « game play » territorial
Quand la télévision, la radio et le quotidien papier apportaient une information verticale et identique à tous les membres de la famille, les outils internet apportent horizontalité et surtout capacité d’interaction, voire de contribution individuelle. La téléréalité avait apporté une illusion de pouvoir participer à un média qui ressemble à celui qui la regarde par la standardisation de masse… Internet permet la contribution de tous dans la diversité. Cela a été le cas mais dans une logique déjà ancienne avec Wikipedia, cela se transforme totalement Instagram. Il devient alors très intéressant de rapprocher cette envie individuelle mais fortement communautaire (communicante) de la nécessité de changement de comportement face aux difficultés environnementales et climatiques auxquelles sont confrontées les villes et les campagnes.
« La fin du 20esiècle a effet instauré une culture de la consommation et de l’appropriation comme réponse au désir d’accessibilité »[3]. L’accès à la télévision du plus grand nombre, en complément d’une mondialisation industrielle des années 70, a permis à chacun d’acquérir tous les outils de communications (ceux de l’image et du son, comme ceux du déplacement physique). La baisse des coûts a permis à la plupart des classes sociales de posséder souvent une voiture par personne, des milliers de livres puis de CD/DVD, un grand choix de vêtements, toutes sortes d’appareil de cuisine… Évidemment tout cela était porté par le monde de la publicité, de la marque (branding) et avec des impacts sociaux et environnementaux considérables puisqu’on ne payait que le coup économique direct et pas ce que l’on appelle aujourd’hui les externalités négatives, qu’elles soient sociales ou environnementales.
La prise de conscience des limites et même des dérèglements est largement faite, notamment chez les plus jeunes qui l’apprennent tous à l’école, au collège et au lycées… mais aussi dans leurs univers imaginaires que ce soit dans les livres ou BD (y compris très
anciennes comme “Gaston” ou “Calvin et Hobbes”), le cinéma (le réalisateur Myasaki et l’ensemble du Studio Ghibli, James Camaron et le film “Avatar”…), les textes de chanson, les animés (films d’animation japonais de type manga) et bien sûr le jeu conçu par Tezuka “Zelda”…
Mais compréhension et conscience ne sont pas passage à l’acte, dans le changement des comportements, ni bien sûr transformation personnelle.
Et c’est d’autant plus important justement quand les habitudes ne sont pas encore prises. Chez les plus âgés bien sûr la contrainte s’avère généralement nécessaire et devrait sans doute se radicaliser de plus en plus. Mais peut-on imaginer que les différentes générations de jeunes, justement deviennent le socle, qui démontre que l’on peut se transformer différemment, par le projet collectif ? C’est une nouvelle narration, que l’on pourrait définir – en prenant le vocabulaire du gaming – par réinventer le ‘game play’ du territoire. Ce qui donne envie de participer, de contribuer… de jouer.
Pour eux la ville, le quartier, le village doit aussi mieux répondre à leurs besoins… évolutifs, en permanence en devenir et sujets à évolution. Et qu’ils demandent à être pleinement acteurs. La peur de l’effondrement est très présente chez les jeunes, encouragée par les réseaux sociaux. Ils ne se reconnaissent pas très facilement dans la démocratie représentative, probablement mieux dans la participation, et pourquoi ne pas aller vers une démarche plus contributive[4], ce que certains appellent le « pouvoir des jeunes ». Cela pose évidemment de nombreuses questions sur la capacité à faire société, et donc de ne pas permettre l’émergence de nouveaux comportements des jeunes sans les plus âgés… Et notamment, de la demande souvent entendue depuis que l’écologie a pris sa place dans l’agora, à savoir : « je fais si l’autre fait et si l’élu est exemplaire ». Et n’oublions pas que si c’est le game play, cela doit être fun, joyeux, amusant… C’est une question de design et de mouvement.
3. « Où est la carte ? [5] »
Partout, dans les toutes les villes et les campagnes, c’est la représentation même du territoire qui est chamboulée. Ceux qui jouent sur les grands jeux de plateforme ont une vision du territoire totalement différente. Ils ont une vision plus systémique, plus fondée sur les interactions et le collectif. C’est particulièrement vrai dans les jeux où chacun participe à la création des territoires de jeux.
On peut évidemment critiquer le côté guerrier, voire violent Call of Duty ou Red Dead Redemption, mais est-ce différent de l’univers du cinéma/séries actuel ? Il y a dans ces jeux une force éducative, un réel apprentissage de l’espace. C’est vrai pour des jeux aux espaces (maps) prédéfinis comme Ages of Empires, Worlds of Warcrafts, Assasins’s Creeds, League of legends… mais encore plus pour ceux que l’on peut créer soi-même avec plus ou moins de prédéfinition culturelle comme les Sims, ou le très libre Minecraft. « Avec le jeu vidéo, je suis ‘dans le tout du monde’… j’ai accès à tout »[6]. Ces univers permettent de comprendre très jeune la notion complexe de l’urbanisme et d’une approche systémique. Les jeunes ‘gamers’ intègrent par les jeux de bac à sable et les jeux de rôles la complexité de l’action quand les interactions sont nombreuses.
La Fondation des transitions est convaincue que cette question des jeunes - et principalement pour ceux qui n’ont pas connu le siècle d’avant - est au cœur de l’accélération de l’entrée dans la civilisation numérique. Cette transformation s’articule chaque plus avec la prise de conscience des limites environnementales est prioritaire. Un clip a été produit avec des Youtubeurs (environ 100 000 vues) affirme que contrairement à ce qui se dit les jeunes s’engagent et même agissent plus que les générations précédentes[7].
Ceux qui critiquent ce monde du 21esiècle sont souvent issus d’un siècle où l’on a bâti des murs à Berlin ou à Jérusalem, ou simplement pour séparer les quartiers ou habitent les riches de ceux où habitent les pauvres, divisant les territoires. L’obsession de beaucoup de responsable politiques a été de rajouter des frontières, et donc les risques de guerre, quand la question était la paix. Évidemment l’Europe a été une exception dans la fin du 20esiècle. Et d’ailleurs on peut avoir une lecture générationnelle du Brexit, les plus jeunes étant massivement moins favorable à la création de nouvelles frontières que leurs aînées.
4. Minecraft, apprentissage des territoires de demain ?
Minecraft est un jeu vidéo de type « bac à sable » (construction complètement libre) développé en 2011 par le Suédois Markus Persson, alias Notch, puis par le studio de développement Mojang. Le 15 septembre 2014, les diverses rumeurs circulant sur Internet sont confirmées : le studio de développement Mojang, créateur de Minecraft, est racheté par Microsoft pour environ 2,5 milliards de dollars (soit un peu moins de 2 milliards d'euros)
Minecraft est un univers qui intègre un système d'artisanat axé sur l'exploitation puis la transformation de ressources naturelles Le jeu plonge le joueur dans un monde créé dynamiquement, composé de blocs (des cubes d’un mètre de côté) représentant différents matériaux comme de la terre, du sable, de la pierre, de l'eau, de la lave ou des minerais (comme du fer, de l'or, du charbon, etc.) formant diverses structures (arbres, cavernes, montagnes, temples) et des animaux ou monstres tels que des vaches, des moutons, des zombies et des squelettes. Le joueur peut modifier ce monde à volonté en y ajoutant ou supprimant des blocs et en tentant de survivre le plus longtemps possible lui permettant ainsi de bâtir des constructions avec une grande liberté. Disponible en 95 langues, le jeu vidéo s’est vendu à plus de 150 millions d'exemplaires sur toutes les plateformes. Le joueur est représenté par un personnage, de forme humanoïde. Son apparence peut être personnalisée. Le joueur possède une jauge de vie de vingt points de vie ainsi qu'une jauge de nourriture.
Un des grands intérêts du jeu Minecraft réside dans la création dynamique d’un monde : chaque carte est générée aléatoirement au fur et à mesure de la partie. Les paysages sont composés de plusieurs « biomes » (forêt, prairie, désert, jungle, toundra, taïga, marais, savane, etc.). Une carte donnée peut devenir très grande, quasiment infinie (elle mesure 60 millions de blocs par 60 millions de blocs, soit 8 fois la surface de la Terre). Il est possible de jouer seul dans une carte générée dynamiquement, ou en multijoueur sur un serveur existant ou créé pour l'occasion. Le monde contient environ 300 différents types de blocs, la plupart représentant des matériaux de construction ou des éléments de décor. Un bloc fait en général un mètre de côté, et par conséquent 1 m3de volume. Les blocs peuvent être solides ou non-solides (air, torches, etc.), transparents (verre, glace, etc.) ou opaques, fluides (eau, lave), et nécessitent souvent un outil particulier pour être récupérés (pioche en bois ou plus pour la pierre, mais pioche en diamant pour l'obsidienne...). La gravité n'affecte pas la quasi-majorité des blocs, hormis les fluides et certaines matières (sable, gravier, etc.). Il est possible de créer des circuits d’énergie et électroniques avec la poudre de Redstone (elle peut être obtenue en minant du minerai spécifique avec une pioche en fer ou en diamant, ou en tuant une sorcière). Elle peut être placée sur le sol pour créer un câble de redstone (conducteur d'énergie), ou combinée dans l'établi pour créer les éléments utiles à la fabrication de circuits de redstone. Ces derniers rendent possibles les interactions entre le joueur et son environnement, c'est à dire les éléments dont l'état est modifiable (portes, rails, pistons, etc.). Une grande variété de contenu créé par la communauté, comme des packs de textures, des mondes, des constructions, etc. est disponible gratuitement sur divers sites internet. Des modifications du code source de Minecraft, appelés mods, ajoutent une diversité du gameplay, de blocs, de créatures hostiles et passives, d'objets ou encore de nouveaux systèmes complets.
L'aspect créatif du jeu a rapidement incité des joueurs de tous horizons à partager leurs créations, notamment par le biais de vidéos sur YouTube ou Twitch, les streameurs (voir ci-après). Minecraft transforme la relation à son environnement et développe des compétences urbanistiques très jeune. Il transforme complètement la relation à son environnement, donnant l’envie et les capacités de se l’approprier et de le transformer. Il met chacun en envie et capacité d’interactions. Probablement, la pratique de Minecraft peut changer fondamentalement l’interaction entre élus et citoyens sur l’aménagement du territoire.
5. Avatar ?
Une deuxième terre s’est créée en quelques années dans une approche totalement anarchique et complexe. Certains avaient chercher à créer en France un univers parallèle unique en créant Second Life dès 2003. Une monnaie virtuelle y avait cours, le Linden, une des toutes premières krypto-monnaie. Chacun y pouvait jouer, échanger, et même créer des réunions, des salons professionnels. Certains spécialistes du recrutement y organisaient même leurs entretiens. Des magasins y ouvraient, on pouvait y acheter des tenues pour les avatars (skins) identiques à celles des magasins de marques très connues dans la vie réelle.
Le projet s’est arrêté après quelques années, probablement de sa volonté d’être un espace fermé. La dimension très commerciale a aussi été rejeté par beaucoup d’internautes de l’époque très méfiants, sur cet aspect, d’une mentalité assez libertaire et méfiante vis-à-vis de l’entreprise.
Le film Ready Player One plus récent de Spielberg développe l’idée d’un univers virtuel unique avec toutes les composantes humaines, où la vie hors de « l’Oasis » n’est plus qu’accessoire. La « vraie » vie est celle des avatars qui jouent, échangent, se rencontrent, travaillent, font du profit dans un monde virtuel qui n’a rien de parallèle puisqu’il est central. Cette idée de vivre à travers un personnage, prolongement de soit même existe partout dans les formes artistiques contemporaines. On peut notamment en voir les limites dans le film i-Clone… et s’est transformé en un véritable mythe écologique grâce au film de James Cameron. L’événement unique de l’histoire du cinéma capable de reporter plusieurs fois la sortie d’Avatar 2 sur dix ans (quatre nouveaux films programmés jusqu’en 2025).
Heureusement, dans le monde connecté de 2020, le virtuel n’est pas unifié, il est tout en complexité et diversité, c’est ce qui donne toute leur importance aux moteurs de recherche, et interrogeant sur l’interopérabilité. Et cela ouvre bien sûr toutes les possibilités d’univers cachés comme le Deep Web qui a pris la place des sociétés secrètes dans l’imaginaire collectif (le Dark Web est une partie du Deep Web).
L’avatar propose de vivre différemment, avec des capacités différentes. Il permet aussi une forme de protection de la vie privée (privacy), y compris quand on a quatre ou cinq comptes Instagram. De nombreux comptes sont au nom de bébés de quelques jours ou des chats des internautes (très nombreux). C’est aussi vrai bien sûr dans Facebook, même si cette plateforme n’intéresse plus vraiment la Génération Gaming (Facebook est comme la TV souvent considérée être « pour les vieux » par ceux qui ont moins de 20 ans).
L’avatar permet d’expérimenter des points de vue et positions différents. Généralement les utilisateurs ont plusieurs d’Avatar dans leurs jeux comme dans leurs réseaux sociaux, parfois de sexes différents.
6. Mouvement et expérientiel ?
en mouvement… Quand il y a encore quelques décennies, les inventeurs et les créateurs imaginaient un mode de vie ou une technologie possible dans des temporalités longues, avant que d’autres y réfléchissent, puis approfondissent les révolutions, testent et expérimentent, mettent en débat, puis généralisent… aujourd’hui nous faisons tout en même temps. Le monde évolue selon le modèle des éditeurs de logiciels qui mettent à disposition les versions Beta pour que les usagers les expérimentent ou même transforment eux-mêmes le logiciel. Il s’agit de chercher les bugs, identifier les fonctionnalités mal pensées et apporter des idées d’amélioration.
Nous sommes entrés dans un Beta monde, les évolutions ne respectent plus le phasage ancien : recherche, innovation, tests, déploiement. Nous faisons tout en même temps, cherchant l’implication de chacun, mais sans forcément y réussir. Dans ce mouvement général s’impose le mot « expérience », ou plus encore expérientiel. Si on cherche des avatars, on ne veut plus vivre par procuration. Cette situation est déstabilisante pour certains, et au contraire vécue comme agréable par d’autres.
La Wii de Nintendo a apporté une révolution d’abord par la simplicité de son ‘game play’ qui engage physiquement le joueur dans ses mouvements avec une manette à la main (concept développé depuis par la Kinect de la Xbox ou la PlayStation Caméra sur PS4). Certains éditeurs l’ont mis au service du fitness du matin… parfois générant des problèmes de santé, avec des tendinites et problèmes musculaires qui n’ont rien de virtuels pour personnes non entraînées.
Just Dance (sur Wii et bien sûr d’autres consoles) a fait danser des dizaines de millions d’adolescentes chorégraphiant les titres à la mode, parfois en groupes nombreux, et surtout très joyeux. Les jeux vidéo permettent de développer les talents.
« Nous voyons que la culture des écrans n’est pas une « sous-culture » inférieure à celle du livre, mais une culture différente, avec ses points forts et ses faiblesses. Du côté du livre, l’élément central en est la construction narrative, tandis que le talon d’Achille en est l’apprentissage par cœur comme forme du savoir. Du côté des écrans interactifs, c’est la spatialisation des données et leur visualisation qui en constitue le point fort, avec ses conséquences en termes d’attention et de concentration, tandis que le danger est celui d’une immersion sans recul. Mais c’est justement pourquoi la culture du livre, dans les apprentissages de l’enfant, doit précéder celle des écrans. Car la construction narrative, associée à la culture du livre, est le meilleur moyen de prendre du recul par rapport à la tentation de s’immerger dans les écrans. »[8]
7. Contexte de crise environnementale
La situation climatique et énergétique globale réclame la mise en œuvre de politiques publiques et économiques responsables, tout en rendant urgente la participation de chacun à la métamorphose de « ses » territoires. C’est le bien commun écologique qui est menacé. L’humanité s’est ainsi enfin trouvé a un nouvel objectif à l’échelle planétaire auquel adhère particulièrement les jeunes, le climat et l’environnement. Mais l’évolution démographique mondiale semble trop rapide. La population était de 5,4 milliards lors du Sommet de la terre de 1992, à Rio (qui a permis de définir la première « feuille de route développement durable » que l’on appelle l’Agenda 21[1]). Nous sommes aujourd’hui 7 milliards et serons près de 10 milliards en 2050.
Deux milliards de personnes sont nés dans ce siècle !. «Le développement durable sonne le glas d’une culture technocratique et d’un pouvoir hiérarchisé et inaccessible à la majorité des populations : les initiatives, sources de progrès environnemental et social, y compris dans les entreprises, reposent toutes aujourd’hui sur un partage des savoirs, des pouvoirs et des responsabilités : Internet a donné bien plus de pouvoir à chaque individu[2]. »
La question fondamentale du « collectif » pose celle de la démocratie et de la capacité de coopération. Pouvons-nous gérer toutes les crises par une approche démocratique ? Devons-nous renforcer les capacités d’autonomie ou contraindre ? C’est d’autant plus important que nous sommes encore dans la croyance de l’abondance des ressources de la terre. Ce modèle entretient une logique propriétaire expansive, celle du « toujours plus de consommation individuelle » qui induit une pauvreté collective.
Un vrai souffle mondial de revendication, de justice et d’équité se manifeste depuis quelques années, construit localement autour de réseaux sociaux et relayé à l’extérieur par tous les médias, dont les traditionnels tels que journaux, radio et télévision. Ces révoltes se déroulent sous des régimes autoritaires, mais pas seulement. De nombreux dirigeants n’ont parfois pas compris que le monde est devenu interdépendant et surtout interconnecté. Chacun peut voir ce qui se passe ailleurs – où l’herbe est plus verte – mais aussi dialoguer, et prendre l’autre comme modèle ou tout au moins comme référence.
Une phrase revient souvent chez les responsables syndicaux ou porte-parole des gilets jaunes : « on le fait pour les jeunes »… Il faudrait leur demander si leur modèle et leur projet de vie est vraiment celui de leurs parents. Si c’est ce qu’ils demandent en manifestant dans le monde entier. L’année 2019 aura marqué par ces mouvements des jeunes pour le climat avec Greta Thunberg.
Il est intéressant de revenir en 1992. Une jeune femme avait marqué le Sommet de la Terre de Rio par son intervention en plénière. Severn Cullis-Suzuki, âgée de douze ans, Severn Cullis-Suzuki et les autres membres de l'Environmental Children's Organisation réunissent suffisamment de fonds pour assister au Sommet de la Terre. Le dernier jour du sommet, alors qu'elle allait repartir, elle se retrouve avec un temps de parole en plénière, interpellant les responsables politiques. Elle est ovationnée par les participants, et féliciée par Al Gore. Mais, nous ne sommes au temps de l’internet, les médias comme les citoyens ne s’intéressent pas à la protection du climat et de l’environnement. 40 ans après le monde s’est interconnecté et a pris conscience des enjeux, même si les citoyens comme les politiques peinent à agir à l’échelle des enjeux.
[1]Plus de 1000 répertoriés sur www.agenda21-france.org du Comité 21
[2]Gilles Berhault, Développement durable 2.0. Internet peut-il sauver la planète ? (Aube Essais et Aube Poche. 2009).
8. Fake news
La question de la fiabilité de l’information est posée, dans une approche compulsive et événementielle. Une démarche plus critique ne pourra que s’imposer pour guider l’éducation, dès la petite enfance, dès le moment où l’on commence à manipuler écrans ou smartphones. C’est d’autant plus vrai que le modèle économique des médias vécu comme gratuit, est fondé sur la publicité dans des approches très évolutives. Or la compétence marketing visant à orienter, voire à manipuler les choix d’achat, a acquis un tel pouvoir qu’il y a un vrai risque démocratique, une vraie difficulté à garder son esprit critique. L’influence de la télévision sur une campagne électorale et bien plus celle de l’Internet sont bien réelles.
C’est la notion même de vérité qui est interrogée sur internet. Dans Wikipedia c’est la masse qui définit par un savoir collectif et la contribution du plus grand nombre. Trump a aussi concouru à porter une notion de « vérité alternative », celle qui est qui correspond à la position de l’homme politique concerné, considérant qu’il n’y a plus besoin du tiers de confiance que constituait le journaliste dans ses compétences et éthique.
Il s’agira de faire mentir Pierre Péan, disparu il y a quelques mois, qui lors de la troisième Université d’été de la communication pour le développement durable avait déclaré « les médias ont pris le pouvoir, leur intelligence est de leur faire croire qui l’ont toujours ». Bien sûr son expertise était sur les grands médias verticaux, télévision et radio. Ceux que ne regardent que peu les jeunes, et plus sur l’écran unique synchrone en famille.
9. Do it yourself ?
Les outils de communication collaboratifs et les réseaux sociaux rendus économiquement accessibles à presque tous accélèrent les transitions. Ils permettraient une évolution encore plus positive si l’humanité prenait rapidement conscience de sa capacité à utiliser cet écosystème informationnel. Il s’agit de passer à une logique de choix dans l’action, une « démocratie contributive », nouvelle étape de la démocratie coopérative[1], déjà très différente de la façon de gérer les territoires au XXesiècle.
Les grands mouvements sociaux rendus possibles et accélérés par les technologies de l’information et de la communication, comme les Indignados, Occupy Wall Street, n’auront un avenir que s’ils s’inscrivent dans une volonté agissant pour la préservation d’une humanité inscrite dans des équilibres écologiques « anthropocènes[2]». C’est donc bien en nourrissant cet exercice démocratique de sens et de valeurs que les technologies de la civilisation numérique feront l’objet d’un consensus global, et que ne se développera pas une société encore plus inéquitable. Nous sommes à l’heure du choix. Comment impliquer les plus jeunes ?
[1]Jean-Eudes Beuret et Anne Cadoret, Gérer ensemble les territoires (éditions Charles Léopold Mayer, avec la Fondation de France).
[2]Voir Claude Lorius
Une transformation éducative est nécessaire, qui posera la culture comme axe du développement de l’être humain :
« Dans presque tous les pays du monde, les arts et les humanités sont amputés, à la fois dans le cycle primaire, dans le cycle secondaire et à l’université. [...] L’imagination, la créativité, la pensée critique rigoureuse perdent également du terrain au fur et à mesure que les États préfèrent poursuivre un profit à court terme en cultivant les qualifications techniques hautement spécialisées qui répondent à cet objectif[3]. »
Il faudra probablement aussi s’interroger sur la forme de l’élection des représentants des élèves au sein des conseils de classe. Est-ce ce une vision actuelle de la démocratie ?
[3]Martha Nussbaum, Les Émotions démocratiques, traduction de Solange Chavel (Climats, 2011).
10. Compétences et capacités ?
Le monde incertain peine à définir les besoins en compétence, que quel savoir avons-nous besoin ? et surtout les jeunes auront besoin alors jamais le temps n’a été aussi difficile à prévoir, y compris à quelques dizaines d’années. Quand on revient écouter les prospectivistes d’hier, on fait le constant permanent de ces difficultés et surtout pour les plus pertinents qui arrivent à anticiper que le temps est plus court que celui prévu. Nous sommes dans des temps d’évolutions très rapides, peut-être encore en accélération. C’est une des clés d’évolution des plus jeunes, ils n’ont jamais connu d’autre vie que celle la vitesse. Et de quelles compétences ou donc plutôt capacités a besoin la génération gaming, peuvent-ils les acquérir par la pratique du jeu ? Quelle place a l’école ? Peuvent-ils prendre des responsabilités publiques avec ces compétences et capacités ? Est-ce que le mode de gouvernance des territoires est adapté ?
« Deux types d’épreuves parallèles ont simultanément été consacrées pour désigner ceux que l’on pourrait appeler les représentants, ou les interprètes, de la généralité sociale : l’élection et le concours. L’élection comme choix « subjectif », guidé par le système des intérêts et des opinions, le concours comme sélection « objective » des plus compétents[1].» La solution est probablement dans une composition des deux méthodes.
La liberté, cela s’apprend, se débat et se développera par la contribution active et concrète de tous à la cité. « À quoi cela sert-il d’avoir le pouvoir sans la puissance de l’agir[2]? » Goût de pouvoir et envie de puissance, ce n’est pas vraiment la même chose, y compris dans des civilisations numériques. Si on ne confond pas les technologies cognitives et la télévision : « La société du spectacle endort le désir[3]. »
Ou alors doit-on envisager un monde comme celui de Marcade[4], inventé par François Bourgeon et Claude Lacroix, où toute relation avec l’autre est monétisée, où une simple information d’orientation dans la rue se négocie. Les plus célèbres auteurs de la science-fiction ont souvent une vision très pessimiste de la démocratie du futur : Orwell, Dan Simmons, K. Dick, William Gibson, Orson Scott Card, Alain Damasio... et bien sûr la série Black Mirror sur Netflix. Celle-ci apporte un regard bien sûr prospectif et dystopique. Mais le fameux épisode où chacun est noté par les autres sur son comportement social trouve un éclairage très particulier avec le développement en Chine d’outils de reconnaissance faciale qui permet au-delà d’une garantie sécuritaire, évaluer les comportements.
Comment parler encore de cohésion sociale ? Comment faire société entre générations ?
11. Youtubeurs et influenceurs ?
La vidéo s’est imposée comme langage principal. Cela concerne toutes sortes d’images animées hébergées par de grandes plateformes, principalement Youtube (il y a aussi des vidéos sur Instagram, Dailymotion, Tictok…).
Un type de vidéos « pédagogiques » s’est aussi développé : les tutos (vidéos courtes d’apprentissage). Ils sont souvent consacrés au jeu, permettant de découvrir les talents des meilleurs joueurs. Mais chacun peut aussi partager son savoir faire sur la cuisine, les travaux manuels, le maquillage, transformer ses vêtements, partager ses idées ou des compétences scientifiques… Ce sont aussi de petits films plus élaborés et certains remarquables de pertinence et d’intelligence. Ainsi chaque épisode de « tout le monde s’en fout !, Web-série bi-mensuelle qui propose de changer le monde en commençant par se changer soi-même, en traitant à chaque épisode d’un sujet différent réalise 200 000 vues. L3X@ est un hacker qui nous livre chaque mois, du fond de sa cave, sa vision sur un thème qui pourrait changer notre vie. Certains Youtubeurs sont devenus des professionnels, rémunérés directement par la plateforme en nombre de vue des vidéos.
Le grand succès récent de Brut démontre aussi que l’on peut diffuser des vidéos en ayant une vraie ligne rédactionnelle engagée, notamment sur le plan environnemental. Brut a généralisé deux éléments de forme. L’image carrée est très adaptée à la vision mobile et surtout la systématisation du sous-titrage y compris quand une personne parle dans sa langue permet de regarder une vidéo dans le métro sans casque audio.
Youtube. C’est un phénomène imposant, la société a été créé en février 2005 par Steve Chen, Chad Hurley et Jawed Karim, racheté par Google en octobre 2006 pour 1,65 milliard de dollars. Le 28 octobre 2010, l'ensemble des chaînes de YouTube atteint le milliard d'abonnés. Chaque mois, YouTube compte près de deux milliards d'utilisateurs connectés.
La plupart des vidéos du site ou les chaînes YouTube peuvent être visualisées par tous les internautes. Les vidéos sont accessibles par catégories et à l'aide de mots-clés (tags en anglais), comme sur Flickr, et peuvent être importées sur un blog ou une page personnelle. Tout internaute inscrit peut poster des commentaires et noter les vidéos en ligne.
Lorsqu’une personne regarde une vidéo, d’autres vidéos en rapport avec celle visionnée lui sont proposées à l’écran, à droite dans une barre défilante, grâce au titre et aux étiquettes de la vidéo en cours de lecture ainsi qu'à l'historique de l'utilisateur. Ces fonctionnalités ont permis à plusieurs internautes de devenir populaires et même d’être rémunéré en fonction du trafic de leurs chaînes. Squeezie, Cyprien et Norman sont les stars françaises avec plus de 10 millions d’abonnés (sans oublier que les premières chaînes sont celles de musiciens : David Guetta et DJ Snake (21 et 17 millions d’abonnés). Le champion mondial est un label musical indien T-Serie dépasse les 120 millions. Un youtubeur, PewDiePie dépasse lui aussi les 100 millions d’abonnés. Tout le monde peut monétiser son activité à partir de 18 ans, et d’un certain nombre de vue par mois. Les contrats commerciaux de placement de produits se développement rapidement au point que beaucoup de Youtubeurs et Streameurs se font accompagner aujourd’hui par des agents.
12. Optimisme
« Quand les gens pensent voir la fin de la culture chez un jeune de seize ans qui n’emploie pas le subjonctif, sans remarquer que par ailleurs ce garçon a vu trente fois plus de films que son père au même âge, ce n’est pas moi qui suis optimiste ce sont eux qui sont distraits. Lorsque le radar des intellectuels flashe la stupidité sans issue du livre qui figure en tête des ventes et en déduit une catastrophe culturelle. […] Avec un retard inexplicable, j’ai fini par comprendre que le paradigme du déclin représente pour de très nombreuses personnes un scénario confortable et un terrain de jeu bienvenu. »[1]
Les signaux des limites environnementales et climatiques renvoient à la montée du nombre de personnes en exclusion sociale dans les sociétés occidentales et à l’accélération démographique. La conséquence très directe est un effet de mode sur la collapsologie et autres théories de l’effondrement. Certains, sans peur du ridicule, l’annoncent à des dates précises. Ce sont des bons sujets pour les médias d’information continue. Ceux-ci sont toujours à la recherche des peurs, d’une « événementialisation » de la communication, autour de la phrase favorite : « nos enfants vivront moins bien que nous ». Il est évident que le modèle d’une consommation compulsive fondée sur le jetable, le prélèvement inconséquent de ressources, les déplacements de personnes et de produits manufacturés à travers le monde ne peut être pérenne. Malheureusement, notre capital naturel est d’ores et déjà en partie détruit en une situation de non-retour sur notre patrimoine écologique. L’adaptation aux changements climatiques est une nécessité quel que soient les changements de comportement à venir. Mais cela ne veut pas dire que l’humanité vivra plus mal qu’au 20è siècle.
Bien sûr le climat social est en cause, et que toute réponse non démocratique n’est pas viable dans le temps. Mais rien ne se fera en croyant à l’effondrement. Et les générations les plus jeunes ont compris que c’est en y croyant que l’on va sortir des difficultés actuelles. Contrairement à ce que l’on peut croire, cette génération mondialisée a toutes les ressources pour réussir ce qui est une métamorphose mondiale sur tous les plans. Après une interview dans un quotidien pendant la communication, le journaliste avait titré sur mon « optimisme triomphant ». Si l’intention du journaliste n’était pas très positive, notamment parce que je lui avais opposé le fait que nous avons besoin de reconsidéré notre capacité d’alliance entre le monde économique, les villes et les citoyens y compris les plus jeunes.
La « génération gaming » n’a pas d’a priori pour ou contre les entreprises. Elle cherche des projets où elle peut exprimer ses talents dans toutes les individualités… mais en cohérence avec une vision plus écologique du monde que celle de ses aînés.
13. Technologies ?
La technologie est partout présente. Il y a même un vrai gout pour cela. Cela inquiète certains qui n’hésitent pas à parler de low techet de décroissance, quand le sujet est à la baisse de l’impact sur les ressources disponibles et aux problèmes environnementaux et climatique. Mais ne nous trompons pas ce n’est pas la technologie qui transforme l’envie d’une génération à s’ouvrir au monde, à partager, à vivre plus pleinement et intellectuellement.
Les technologies numériques sont partout et vont se développer en de nouvelles réinventions difficiles à prévoir. L’intelligence artificielle est un terme imprécis, mais qui annonce une puissance de gestion de la data qui va tout influencer. La block chain, au-delà du Bitcoin laisse aussi augurer de vraies transformations qui peuvent laisser penser que la capacité d’action collective hors des organisations verticales sera sans limite.
Les ruptures technologiques à venir sont partout. La génération gaming les aiment malgré un réflexe de prudence sur le respect de la vie privée.
Elle sera aussi confrontée à de plus importantes disruptions, notamment celles qui croisent le vivant et le numérique, souvent appelées NBIC : nano, bio technologies de l’information et de la communication. Elles vont dans l’urgence demander des réflexions éthiques fondatrices de ce que sera notre société. Car bien évidemment aujourd’hui le corps embarque des technologies à vocation thérapeutique pour mieux gérer l’insuline et autres traitements de précision. La question à laquelle devront répondre la génération gaming est celle de l’augmentation des capacités humaines par des implants digitaux. Ce qu’un roman de science-fiction annonçait il y a quelques dizaines d’années, prévoyant que les annonces d’emploi demanderaient l’implantation de puces bio-électroniques directement dans le cerveau.
Les femmes et les hommes cherchent à augmenter leurs capacités, encore et toujours. Après la chimie vient le siècle du transhumanisme numérique. Tous ceux qui ont moins de 20 ans aujourd’hui seront directement concernés, dans quelques décennies.
14. Tribus ?
Dans toute quête se constitue une tribu, un groupe d’individus différents, la plus célèbre est celle de la Compagnie de l’anneau, véritable mythe fondateur des jeux de rôle, y compris bien sûr dans leurs versions numériques. Faire équipe dans les diversités où chacun exprime ses talents en complémentarité que l’on soit un elfe, un nain, un hobbit de la Terre du Milieu… une fille ou un garçon qui s’inscrit dans une histoire commune, qui s’invente dans le mouvement.
Mush
Le jeu apporte cet apprentissage collectif fondé sur l’addition des talents, plus que sur la standardisation. À ce titre un jeu mérite une place particulière : Mush. Créé par Motion-Twin en 2013, il s'agit d'un jeu de survie multijoueur. Le joueur incarne l'un des 16 survivants de Sol, fuyant ce monde ravagé par le Mush (un champignon parasite). Mais la tâche n'est pas si aisée, car deux des passagers sont infectés par le champignon… et feront tout pour convertir l'équipage ou détruire le vaisseau.
Dans les années 3100, l'humanité a conquis l'espace. Mais un organisme extraterrestre connu sous le nom de Mush a fait son apparition, contaminant chaque être humain les uns après les autres, même la FDS (Fédération de Sol) finit par être entièrement contaminée ; les "Mushs" ne pensent désormais plus qu'à tout détruire tout en augmentant leur nombre. Le Daedalus est le vaisseau dans lequel l'équipe de Jin Su quitte sa base en urgence pour continuer ses recherches dans l'espace, constituant ainsi le seul espoir de l'humanité. Malheureusement, deux des membres de l'équipage sont en réalité des Mushs infiltrés pour tenter de faire échouer la mission, et le Daedalus est poursuivi par les agents de la FDS3…
Les 16 occupants du Daedalus sont donc répartis en deux équipes : D'un côté, les humains dont le but est de neutraliser les Mushs présents à bord, fabriquer le sérum rétro-fongique à même de guérir un humain infecté et de regagner Sol avec le sérum.
De l'autre, les deux Mushs infiltrés à bord dont le but est d'empêcher les humains de réussir.
Un objectif alternatif recherché par la quasi-totalité des équipages est de faire durer le vaisseau le plus longtemps possible. En effet, les incidents qui viennent émailler la vie du vaisseau sont de plus en plus fréquents et de plus en plus graves.
Le jeu fonctionne avec un système classique de Points d'Action (PA) et de Points de Mouvements (PM). Ces jauges se régénèrent assez lentement (un point de chaque par cycle, soit toutes les trois heures). Il faut donc user de ces points avec parcimonie. Heureusement, certaines actions permettent d'en regagner plus vite, comme le fait de manger ou de dormir. Chaque joueur incarne un personnage unique parmi 16 jouables. Chaque personnage est alors orienté pour remplir un rôle particulier, il dispose pour cela de compétences spécifiques. Chaque personnage a, de plus, une histoire bien à lui. Ce background peut influencer les actions du joueur ce qui permet d'instaurer un jeu de rôle en plus de favoriser la coopération
15. Violence ?
Il y a de nombreux a priori sur les jeux vidéo le premier est bien sûr la violence. Certains considérant que l’univers de certains jeux est dangereux comme Red Dead Redemption, Call of Duty, Doom… et bien sûr les GTA[1]accusé de tous les maux. Et on pourrait bien sûr parler des animés ou mangas comme Elfen Lide ou Tokyo Ghoul. Bien sûr la violence s’est aussi banalisée dans des films comme Alien ou des films dits d’horreur comme Scream, dans une recherche d’humour au second degré. Il faut bien sûr écouter des experts comme Helen Smith, psychologue à New York[2], Celle-ci travaille particulièrement sur les enfants dont la violence est allé jusqu’au meurtre. Elle affirme : « De mon expérience, pas un seul jeune n’a été violent du fait de l’influence des médias ». Ce que confirment les psychiatres Marc Valleur et Jean-Claude Matysiak : « Nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéo parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial. ». Bien au contraire pour la plupart la violence est canalisée par le jeu vidéo et évite de nombreux dérèglements.
Comme toutes communautés, elle a ses lieux de rencontre : Japan Expo, Paris Games Week avec ses 100 000 visiteurs par jour, compétition de e-Sports, Heros festival sont joyeux et s’affirment bienveillants. On peut y rencontrer déguisements et « cost plays » de guerriers et nombre de zombies qui font sagement la queue (parfois des heures quand il s’agit de la nouvelle version de Fornite pendant les vacances de la Toussaint Porte de Versailles à Paris) avec une pancarte « free hug » autour du cou.
« Dans les jeux vidéos les besoins sociaux se traduisent par les relations de coopération et de compétition que les joueurs établissent entre eux. Jouer à un jeu vidéo, être un gamer, permet de vivre comme participant à la culture d’un ensemble plus grand que soi. C’est appartenir à quelque chose, et donc être intégré à un ensemble complexe de liens, de signes de reconnaissance, d’expériences, d’histoire. »[1]
16. Les jeux d’arcades ?
1972 n’est pas que l’année d’organisation du premier Sommet de la terre de Rio[1]. C’est aussi l’année où a été inventé PONG[2]le tout premier jeu d’arcade, qui a cohabité avec babyfoots et flippers (et aussi sur des télévisions grillant des écrans familiaux qui se sont retrouvés définitivement avec des éléments du graphisme). D’autres jeux sont venus ensuite avec un succès fulgurant comme PacMan et surtout Space Invader, la grande star. Et le jeu est devenu tellement populaire que le Japon a dû pressé un supplément de pièces de monnaie adaptées. Le graphisme est devenu icone. C’est le tee-shirt que porte Halliday le concepteur de l’univers virtuel Oasis dans le film de Spielberg Ready player one. Mais surtout les murs des villes comme une signature artistique de gamers, notamment bien sûr le mosaïste Franck Slama, dit justement Invader.
L’évolution du jeu a bien sûr fait passer de l’objet physique de jeu collectif au café - billards ou babyfoot - à un objet individuel, d’abord flipper coloré et bruyant puis au jeu d’arcade (écran enchâssé dans une caisse de bois peinte en noir au design le plus simple, à la musique répétitive insupportable pour les autres clients).
Ces jeux souvent très simples sont aujourd’hui sur les smart phones et pratiqués par tous. Ce sont des extrapolations numériques de jeux de carte, ou des développements de Tetris ou de jeux d’alignements de formes de couleurs, dont l’éditeur King s’est fait le grand spécialiste notamment avec les déclinaisons de Candy Crunch et plus de 100 millions d’utilisateurs quotidiens. Angry bird et ses lancers d’oiseaux a pris une telle place qu’il est devenu un long métrage sorti en salles. Le modèle économique est fondé sur la gratuité relative. Les rétributions de l’éditeur sont fondées sur la publicité et généralement le fait d’acheter des sortes de jokers qui facilitent le jeu.
17. Instagram ?
Instagram est une application, un réseau social et un service de partage de photos et de vidéos fondée et lancée en octobre 2010 par l'Américain Kevin Systrom2 et le Brésilien Michel Mike Krieger. Depuis 2012, l'application appartient à Facebook, elle est disponible sur plates-formes mobiles de type iOS, Android et Windows Phone et également sur ordinateurs avec des fonctionnalités réduites. L'âge minimum requis pour utiliser Instagram est théoriquement de 13 ans. Instagram revendique plus d'un milliard d'utilisateurs à travers le monde, selon les chiffres officiels fournis en juin 2018. Instagram permet de partager ses photographies et ses vidéos avec son réseau d'amis, de fournir une appréciation positive (fonction « like ») et de laisser des commentaires sur les clichés déposés par les autres utilisateurs. Elle permet aussi de dialoguer avec les membres via l'utilisation de la messagerie interne appelée « Instagram direct ».
Le service a rapidement gagné en popularité, désigné par Apple comme « Application de l'année » en 2017, il comptait déjà 100 millions d'utilisateurs actifs en avril 2012. Deux ans plus tard, en mars 2014, le réseau annonçait 200 millions d'utilisateurs actifs, puis en novembre de la même année, 300 millions s'imposant comme deuxième réseau social dans le monde après Facebook et devant Twitter. En 2015 le cap de 400 millions est passé, un milliard en 2018. Trois pays ont particulièrement participé à cette croissance selon Instagram : le Japon, le Brésil et l'Indonésie. Avec 400 millions de membres mensuels actifs, Instagram s'impose aujourd'hui comme un média social de premier plan. Il affiche des particularités notables par rapport aux autres réseaux majeurs comme Facebook, Twitter, ou Snapchat ; il permet de publier des vidéos (d'une durée de 1 minute max.) ou des photos (qui peuvent être retouchées directement sur le réseau avec des filtres) sur un compte personnel, celles-ci sont par la suite visibles par d'autres utilisateurs du réseau et restent sur ce compte indéfiniment.
Plusieurs études publiées sur les comptes de grandes marques présentes sur le réseau ont montré que les niveaux d'engagement étaient en moyenne supérieur à 5 % (pour 100 abonnés, 5 aiment ou commentent un contenu), soit 80 fois plus que sur Facebook et 160 fois plus que sur Twitter. En dehors du lien en biographie et des liens en stories, le réseau est focalisé sur son propre univers à la différence de Twitter et Facebook qui permettent d'insérer des liens actifs vers d'autres sites internet depuis n'importe quelles publications.
Les nouveaux formats publicitaires introduits par Instagram permettent aux annonceurs aujourd'hui de proposer des liens vers leurs sites et plateformes web.
L'un des ressorts du succès de l'application Instagram sont les filtres qui permettent aux utilisateurs de modifier leurs photos. En effet, pour poster un média sur le réseau, un Instagramer doit d'abord prendre une photographie soit au travers de l'application, soit en chargeant une photo disponible sur son appareil. Ensuite, il peut y ajouter des filtres qui lui permettent de modifier l'aspect visuel de la photographie en lui donnant de nouvelles tonalités (photographie en noir & blanc, sépia, etc.). La publicité est un enjeu important pour Instagram et plus encore pour Facebook, propriétaire du réseau. Le réseau a généré 2,81 milliards de dollars en 2017, soit plus que les revenus mobiles de Twitter ou Google.
Le réseau social a permis à de nombreux influenceurs de voir le jour. Appelés « instagramers », ils sont suivis par plusieurs milliers (voire millions) d'abonnés. Ils tirent des revenus des partenariats réalisés avec les marques (via des agences d'influence notamment ou via des plateformes de monétisation des posts Instagram).
En France, ces partenariats sont soumis à l'article L121-1 du code de la consommation39 : l'influenceur est en effet contraint d'annoncer de façon explicite qu'il a bénéficié d'un avantage (en argent ou en nature) pour faire son post Instagram par exemple avec une mention du type #sponsorisé ce que sait généralement bien identifier la Génération Gaming.
Au-delà d’un outil de partage de vidéos et de photographies, c’est un vrai réseau social qui permet d’échanger des messages, de se parler…
18. Streaming et streameurs
Zerator et Dach sont des streamers. Ils organisent maintenant tous les ans le « Z event », l’événement caritatif du Web. 54 streameurs réunis à Montpellier ont diffusé eSport, tchat et vidéos pendant plus de 50 heures, chacun sur leur chaîne Twitch, mobilisant leurs communautés pour faire des dons. En un week-end, ils ont réuni plus de 3,5 millions d’Euros pour l’Institut Pasteur. C’était 1 million pour médecin sans frontière en 2018. Pendant 54 heures ils ont joué, étant suivi en direct par des centaines de milliers d’amateurs. Le principe est simple chacun dispose d’un bon ordinateur de ‘gamer’, une fibre optique individuelle, des millions de ‘followers’.
De nombreux internautes suivent des parties diffusées en direct (live streaming) par des joueurs du monde entier. Certains sont des champions reconnus (et participent au eSport. Les spectateurs peuvent ainsi vivre des parties à la manière d'un évènement sportif, découvrir des astuces et des stratégies, apprendre à connaître un jeu avant de l'acheter. Ce des acteurs importants du gaming, y compris sur un plan économique. Ils ont une grande influence, la plupart des gamers regardent très régulièrement les streameurs. Certains sont experts de beaucoup de jeux, certains hyper spécialisés.
Le secteur des jeux vidéo a produit un chiffre d’affaires mondial de 120 milliards $ en 2018, en hausse de 13 % sur un an (rapport de SuperData). Le chiffre d’affaires en France est de 5 milliards d’Euros, avec une croissance de 15 % (Syndicat des éditeurs de logiciels de loisirs). Dans l’ensemble, les jeux mobiles restent les plus populaires (51 % des ventes dans le monde), suivi des jeux sur PC (30 %) et console (11 %).
74 % de la population française déclarent jouer à des jeux vidéo de manière occasionnelle. Un pourcentage plus élevé chez les plus jeunes : 97 % chez les 10-14 ans, 94 % chez les 15-18, qui diminue en fonction de l’âge, jusqu’à 67 % pour la tranche des 45-54 ans et 55 % chez les plus de 55 ans. Les utilisateurs de console sont ainsi les plus jeunes, 30 ans en moyenne pour les consoles portables, et 32 ans pour les consoles de salon. Les joueurs mobiles sont un peu plus âgés, avec 37 ans pour les usagers sur smartphone et 41 ans pour les utilisateurs de tablette ; enfin, les joueurs sur PC seraient statistiquement les plus vieux, 42 ans en moyenne.
19. e-Sport, Fornite et messages ?
L’e-Sport s’est imposé. Paris a accueilli la finale mondiale de League of Legend en novembre 2019 à Bercy. Plus de 600 000 connexions se sont faites à 16 h le jour de la mise en vente des quelques milliers de places en septembre 2019 faisant nombre de déçus. Ce sont des équipes professionnelles qui s’affrontent avec coaching, entraînement, préparation physique pour éviter les claquages comme dans tout sport.
Fin juillet c’était Fornite qui organisait ses propres championnats du monde.
Un jeune public qui se connecte pour se mesurer aux autres... mais aussi pour se socialiser. "Sur le jeu Dofus, beaucoup se connectaient avant tout pour discuter avec d’autres joueurs, qui étaient devenus des amis. C’est aussi le cas pour Fortnite, bien que le rythme de jeu soit plus court, moins posé”, estime Mylène Lourdel[1], spécialiste en communication et marketing, ancienne cheffe de produit pour le MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multijoueur).
Amuser pour mieux transmettre un message, c’est la stratégie qu’a adoptée l’équipe américaine “Climate Scientist Squad” pour toucher son public. Ses membres, le climatologue Andrew Dessler et l’étudiant en océanographie Henri Drake, se filment en train de jouer à Fortnite tout en discutant modèles climatiques, pollution atmosphérique ou éco-anxiété. Leurs parties, visionnables en direct ou en streaming sur Fornite et Twitch, attirent les curieux qui peuvent ensuite poser des questions aux deux scientifiques en messagerie instantannée.
Fornite
Le jeu lancé par Epic Games en 2017 a dépassé les 250 millions de joueurs en 2018 générant plus de deux milliards de bénéfice. Cent joueurs s’affrontent en mode “Battle Royale” sur une map qui se réduit progressivement au fil de la partie. Le ton est très différent d’autres jeux. Si l’objectif est d’éliminer les autres joueurs, c’est dans une ambiance très éloignée de la réalité, sans violence, dans un dessin très enfantin. Le jeu, disponible en ligne gratuitement sur un grand nombre de supports (console, ordinateur, smartphone), est devenu un incontournable. La Fortnite World Cup a ainsi rassemblé 20 000 spectateurs au stade Arthur-Ashe de New York, et plus de 2 millions de personnes en streaming pendant la finale de la catégorie “solo” (surtout via les plateformes Twitch et YouTube). Le vainqueur dans la catégorie solo, le jeune Américain “Bugha”, a empoché la somme de 3 millions de dollars.
Avec plus de 200 millions de joueurs enregistrés et des pics à 10,7 millions de connections simultanées, Fortnite se hisse au niveau de Twitter (330 millions de comptes actifs) ou Snapchat (188 millions d’utilisateurs quotidiens).
C’est un réseau social à part entière selon le groupe de réflexion Watch This Space, de l'entreprise de divertissement National Research Group, qui décrit le jeu comme “un ‘tiers-lieu” [pour] les digital natives”. Dans son étude “Fortnite – The new social media ?”, publiée en juin 2019, le think tank a interrogé un échantillon représentatif de 1500 utilisateurs de réseaux sociaux. Fortnite arrive en tête des plateformes les plus utilisées par les 10-12 ans.
En conclusion : vivre et gouverner les territoires ensemble ?
« Beaucoup de gens croient pouvoir changer la nature des personnes, mais ils perdent leur temps. On ne change pas la nature des personnes. En revanche on peut transformer les outils et les techniques qu’elles utilisent. C’est ainsi que l’on changera le monde. »
Steward Brand.
C’est aussi par des émotions, la recherche de la beauté qui mènent Shigeru Miyamoto et Takashi Tezuka quand ils créent et produisent la Légende de Zelda et ses magnifiques décors. Et bien sûr comme d’appelle le héro ? Link. Il fait le « lien » en un démiurge de la Génération Gaming, son « Ocarina du temps » à la main.
Dans son remarquable essai The Game, Alessandro Baricco définit huit “traits génétiques pour cet espèce destinée à survivre :
- Un design agréable en mesure de satisfaire les sens,
- Une structure qui renvoie au schéma élémentaire problème/solution répété plusieurs fois,
- Des temps courts entre le problème et sa solution,
- Une augmentation progressive de la difficulté du jeu,
- L’absence d’immobilité jugée inutile,
- Un apprentissage produit par le jeu, et non par l’étude de consignes abstraites,
- Une utilisation immédiate sans préalable,
- Un affichage rassurant et régulier du score à chaque étape. ».
Ce sera l’enjeu des jeunes d’un monde numérique : co-produire les territoires en s’intéressant à l’autre autant qu’à soi-même en un « empowerment» généralisé : capacitation, puissance de l’action individuelle et collective, y compris pour la gestion efficace des énergies. La question du collectif et de la gestion des biens communs est chaque jour plus complexe : plus de 6 milliards d’abonnements au téléphone portable dans le monde, deux milliards « d’amis » dans Facebook, et dans une interrelation et interdépendance totalement synchrones.
La « société » du 21è siècle a donné leur place à de nouveaux acteurs, tisseurs de liens, qui, ayant « plusieurs casquettes », sont aussi à l’aise dans la vie associative que publique et économique. Ces entremetteurs permettent de casser l’organisation en silos, qui est le propre des anciennes civilisations européennes. Grâce à Internet, les cultures se mêlent et s’entremêlent dans des changements permanents, aussi générateurs d’angoisse face à un futur imprévisible et complexe.
La génération gaming s’inscrit les mythes du héros qui lutte pour un monde meilleur, dans la structure proposée par Vladimir Prop pour comprendre les contes et légendes, mais dans une forme nouvelle de participation. L’univers numérique fondé sur le jeu renforce la confiance, une vision individuée mais plus forte de soit et de ses capacités. Les jeux de stratégie y sont une bonne préparation… mais ce n’est ceux qui se développent le plus. La tendance lourde actuelle est plus à la pratique de jeux de masse. La présence de la culture japonaise, fortement porté par la culture Manga, livres comme animés est forte, y compris dans la violence qui s’y exprime.
Les jeunes s’engagent autant que les générations d’avant, dans des formes très différentes. Les structures associatives et politiques proposées par leurs parents ne semblent pas leur correspondre, d’autant ceux qui ont aujourd’hui moins de 19 ans, ces enfants du siècle, ces « millenials »[1]comme on les appelle parfois. La génération gaming, celle des jeux vidéo et des réseaux sociaux est en capacité d’agir, elle a même une capacité collective inconnue. Mais elle a aussi ses exclus. Ce n’est pas pareil de disposer jeune d’un bon ordinateur et d’une connexion de qualité ou de se contenter uniquement des vieux PC de l’école ou du collège et encore peu d’heures par semaine. « La première urgence est de tout donner au transfert de compétences et à la formation, et ce partout dans le monde, y compris en France où le dysfonctionnement majeur est le nombre croissant de décrocheurs »[2].
Il reste à se rassembler, c’est ainsi que pourra se constituer ce nouvel universalisme de la génération gaming, capable d’agir à l’échelle des enjeux sociaux et environnementaux de ce siècle.
Gilles Berhault
Janvier 2020
[3]« OK Boomer » est une phrase fétiche et un mème Internet qui a gagné en popularité en 2019. Il est utilisé pour tourner en dérision les attitudes stéréotypées attribuées à la génération des baby boomers. La députée Chlöe Swarbrick a utilisé l'expression « OK Boomer » pour répondre à un collègue plus âgé qui l'invectivait au Parlement néo-zélandaise.