HATCHUEL Armand

Professeur en Sciences de Gestion à MinesParisTech/PSL université

 

Armand Hatchuel a d’abord montré qu’au-delà de leurs apports empiriques, les sciences de gestion contemporaines débouchent sur une axiomatique de l’action collective créatrice. Ce qui l’a conduit, avec Benoit Weil, à une théorie de la conception comme raisonnement créatif (Théorie C-K) qui éclaire les régimes de l’innovation contemporaine et leurs effets sociaux. Cette approche a connu un écho international important, académique et industriel. En outre, elle a permis, avec Blanche Ségrestin, d’expliquer les origines et les enjeux de la crise contemporaine de l’entreprise ainsi que les voies de sa refondation (cf. « Refonder l’entreprise » le Seuil 2012). Ces travaux, en liaison avec le collège des Bernardins, ont contribué à la théorie de l’entreprise à mission (Kevin Levillain, 2016) et inspiré certains des aspects du rapport Notat-Sénard et des débats autour de la future Loi Pacte. Armand Hatchuel est membre de l’Académie des Technologies et a recu plusieurs distinctions scientifiques.



Contribution Loi Pacte

On peut dire que des entreprises qui se donnaient volontairement «une mission » ont déjà existé. Cette vocation venait d’abord de mouvements culturels et normatifs forts (scientifique, humanitaire ou solidaires à la fin du 19è siècle). Mais ils ont aussi débouché pour certains sur de nouveaux droits : celui des fondations actionnaires ou des mouvements coopératifs.  La vocation résultait aussi d’actionnaires (familiaux le plus souvent) qui voulaient préserver l’identité de l’entreprise. Mais avec la financiarisation contemporaine ces vocations elles-mêmes sont désormais en danger. On observe plus généralement des dérives de la gouvernance des entreprises, et surtout on est confronté à de  nouveaux défis civilisationnels que l’on ne peut relever sans les entreprises ou qui ne peuvent être atteints par des régulations incitatives. Il faut donc concevoir « l’entreprise à mission » non comme le résultat d’une vocation ou d’une norme de réputation, mais comme une forme nouvelle d’entreprise, adaptée à notre époque, résistante à la dérive actionnariale, et dotée d’un cadre de droit spécifique, à la fois exigent et protecteur. Ce cadre de droit permet d’engager les actionnaires dans la formulation et le contrôle de la mission. Il permet d’associer profit et mission comme deux objectifs stratégiques en symbiose.  Il permet une expression du sens et de la « raison d’être » d’une entreprise auprès de ses salariés et de toutes ses parties prenantes. On ouvre alors la voie à une nouvelle génération d’entreprises fondées à relever les défis scientifiques, sociaux et environnementaux contemporains. On donne aussi une représentation complètement renouvelée des rapports entre entreprise, travail, et civilisation. Représentation fondée en droit qui devra être largement enseignée et discutée.