COP21 : Un accord global et ambitieux est possible à Paris

Interview de Janos Pasztor, Sous-secrétaire général aux changements climatiques de l’ONU

Ce scientifique hongrois, diplômé du MIT (Massachusetts Institute of Technology) a fait une partie de sa carrière au WWF International (Directeur exécutif par intérim, en charge de la conservation, et Directeur des politiques et de la science). Il a été nommé en janvier 2015, Sous-secrétaire général aux changements climatiques de l’ONU. Son mandat consiste principalement à soutenir les efforts du Secrétaire général, en vue d’un accord universel sur le climat en 2015. Nous avons pu le rencontrer, dans les locaux du Comité 21, lors de son passage à Paris …    


Quelle est la stratégie de l’ONU et de son Secrétaire général, Ban Ki-moon, pour aboutir à un accord global et ambitieux à Paris, lors de la COP21 ?

 

Janos Pasztor : La stratégie de Ban Ki-moon repose sur 6 piliers :

  • le premier porte sur le travail politique. Pour le moment, la forme que prendra cet accord n’est pas encore définie. C’est à partir seulement du mois de juin ou juillet que l’on pourra faire le point sur les vraies difficultés qui restent à résoudre.
  • Le second a pour nom « l’Agenda des solutions » (ou Plan d’action Lima-Paris). Il recouvre des initiatives multi-acteurs, portées par des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux (société civile au sens large…), ainsi que les engagements individuels des collectivités territoriales et des entreprises. Il doit délivrer un message positif, montrer ce qui marche…
  • Le troisième concerne la finance. Sans un accord sur le paquet finances, il n’y aura pas d’accord global! Au-delà des 10 Mds de $ du Fonds vert pour le climat créé en 2009 à Copenhague à la COP15, c’est 100 Mds de $ de fonds publics qu’il faudra mobiliser chaque année, à partir de 2020, pour avoir un effet de levier sur les marchés et le secteur privé. Car la transition vers une économie bas-carbone nécessitera 1000 Mds de $/an d’investissements…
  • Le quatrième est axé sur la coopération Sud-Sud (entre des pays émergents et des pays moins avancés)
  • Le cinquième vise à développer la mobilisation de la société civile, des entreprises, des ONG, des organisations religieuses…
  • Le sixième, enfin, concerne le système onusien lui-même il s’agit de s’assurer de la cohérence des programmes des agences onusiennes (UNEP, WHO, UNESCO…)

 

Pour le moment, une trentaine de pays seulement ont remis leur copie sur leurs objectifs de réduction de gaz à effet de serre. Leur cumul montre, selon les experts, que nous serions globalement sur une trajectoire à 3,5° voire 4°. On est loin des 2° maximum fixés par les scientifiques. S’oriente-t-on vers un nouvel échec, comme à Copenhague en 2009 ?

 

Janos Pasztor : Tout d’abord, je ne considère pas Copenhague comme un échec. Peut-être les attentes étaient-elles trop élevées ? Mais il y a eu de véritables avancées… À Paris, il ne faudra pas juger du résultat uniquement sur les cumuls des contributions des pays, les INDCs (Intended nationally determined contributions). Le Secrétaire général de l’ONU va d’ailleurs bientôt présenter les objectifs  qu’il estime devoir être atteints pour un succès des négociations à Paris. En tout cas, il faut noter que c’est la 1ère fois que chaque pays va mettre sur la table ce qu’il peut faire pour le climat et on peut espérer que cette revue entre pairs (peer review) amènera chacun à aller plus loin. Enfin, si la forme juridique de l’accord n’est pas encore trouvée, le message est clair : on peut résoudre le changement climatique, passer à une économie low-carbon, dans le système économique actuel. Les problèmes restant à solutionner concernent la vitesse des changements, mais aussi la préservation de l’équité entre pays et régions, dans cette transition.

 

Cette approche pose un vrai problème de communication. Entre l’appréhension des résultats par les négociateurs et le ressenti dans la population informée par les mass-media et les grandes ONG, il risque d’y avoir un écart important si l’on n’est pas sur une trajectoire à 2° à Paris… L’ONU va-t-elle lancer des campagnes d’information ?


Janos Pasztor : Non, il n’y aura pas de campagne de mobilisation centralisée. Mais nous pensons qu’il faut aider les acteurs à communiquer sur des choses positives car les gens sont fatigués des discours catastrophistes. Dire, par exemple, que l’Inde va installer 100 Gigawatts de solaire dans les 15 ans à venir, ou que désormais, les nouvelles installations en Chine feront appel uniquement aux énergies renouvelables. Il faut également envoyer des signaux clairs comme la volonté de mettre un véritable prix au carbone. Et faire comprendre que nous sommes dans un monde complexe où les solutions ne peuvent plus seulement être du type « top down », comme cela a été le cas pour le Protocole de Kyoto en 1997.  À Paris, en 2015, nous serons clairement pour la première fois, dans une approche « bottom up ».

 

Propos recueillis par Alain Chauveau